jeudi 28 février 2013

La Vie et l'Oeuvre de Philippe-Ignace Semmelweis de Louis-Ferdinand Céline

Je continue le challenge littéraire de Stephie Un Classique par mois... Rappelez-vous de Zola en janvier (clic). Vous pouvez aussi aller voir le blog de Stephie (CLIC) et la page du Challenge ICI. Mais ce mois-ci, j'ai choisi une œuvre particulière : la thèse de doctorat en médecine de Louis Destouches, plus connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline. Cette thèse, soutenue en 1924, s'intitule La Vie et L'Oeuvre de Philippe-Ignace Semmelweis. Elle a été éditée en 1936 pour le grand public sous le titre Semmelweis (et est actuellement disponible dans la collection L'Imaginaire chez Gallimard).

L'éditeur en parle (en en citant un extrait, qui figure en quatrième de couverture) :
"«Et c'est vers la fin de ces deux années passées dans la chirurgie qu'il écrivit, avec cette pointe de hargne par laquelle se caractérise déjà sa plume impatiente : "Tout ce qui se fait ici me paraît bien inutile, les décès se succèdent avec simplicité. On continue à opérer, cependant, sans chercher à savoir vraiment pourquoi tel malade succombe plutôt qu'un autre dans des cas identiques."
Et parcourant ces lignes on peut dire que c'est fait !
Que son panthéisme est enterré. Qu'il entre en révolte, qu'il est sur le chemin de la lumière ! Rien désormais ne l'arrêtera plus. Il ne sait pas encore par quel côté il va entreprendre une réforme grandiose de cette chirurgie maudite, mais il est l'homme de cette mission, il le sent, et le plus fort est qu'un peu plus, c'était vrai. Après un brillant concours, il est nommé maître en chirurgie le 26 novembre 1846.»
Louis-Ferdinand Céline."

Ce qui m'a donné envie de lire ce livre : 
Tout. Le côté médical, et "la médecine, cette merde" comme disait Céline dans Mort à crédit, mon passé personnel et professionnel mais aussi le personnage de Semmelweis, à l'heure des infections nosocomiales et d'une médecine qui n'est pas au mieux de sa forme... 
Si vous ne connaissez pas l'histoire de Semmelweis, sachez qu'elle est poignante : en effet, Semmelweis est ce farfelu qui, pour diminuer la mortalité effrayante liée à la fièvre puerpérale, a entrepris de convaincre les obstétriciens de se laver les mains avant d'examiner les femmes enceintes ou les jeunes accouchées (quelle idée je vous assure ! Ces messieurs passaient allègrement de la dissection de cadavres au toucher vaginal sans gant et sans nettoyage ! Semmelweis a même évoqué la simple désodorisation des mains pour ne pas choquer !)... Non seulement il n'a pas été suivi (alors que par une méthode expérimentale tout à fait adaptée, il avait prouvé l'efficacité de sa technique), mais il n'a même pas été entendu, il a plutôt été ridiculisé et conspué par ses pairs... Il est mort fou, il faut dire qu'il y a de quoi. Il n'est pas facile d'avoir raison avant tout le monde.

Mon avis après lecture : 
Quelle curieuse thèse ! Ce n'est pas la première que je lis (hahaha), même si mes lectures sont plutôt des thèses de la fin des années 1980. Il faut dire qu' à l'époque de Céline, les médecins avaient fait leurs humanités, avant de pouvoir faire la preuve de la leur... L'outil de sélection n'était pas les mathématiques à toute force, mais plutôt la rhétorique...
La thèse de Louis Destouches est incroyablement littéraire, elle narre une histoire, dans laquelle on retrouve à la fois une épopée médicale non dénuée de lyrisme, et une fatalité tragique inouïe. On trouve aussi l'écriture en devenir de Céline indigné de ce que l'on fait subir à ce malheureux confrère du XIXe siècle.
J'ai aussi lu avec intérêt les dédicaces qui ouvrent chaque thèse (pour résumer : à mes parents qui m'ont tout donné, à mes maîtres qui m'ont tout appris) et qui sont ici limitées aux membres du jury.

Bonheur de phrases : 
Dans la préface de Louis Destouches à sa thèse : "L'heure trop triste vient toujours où le Bonheur, cette confiance absurde et superbe dans la vie, fait place à la Vérité dans le cœur humain."

Dans la thèse : 
"Dans l'Histoire des temps, la vie n'est qu'une ivresse, la Vérité, c'est la Mort."
"Les grandes œuvres sont celles qui réveillent notre génie, les grands hommes sont ceux qui lui donnent une forme".

C'est donc un classique un peu particulier pour le challenge de ce mois-ci ! Mais cela faisait longtemps qu'il attendait dans ma bibliothèque et c'était une belle occasion !



dimanche 24 février 2013

Salut Marie d'Antoine Sénanque

J'avais beaucoup entendu parler de ce livre, qui a reçu le prix du Roman Version Femina 2012 en partenariat avec la FNAC (OK ce n'est pas le prix Femina, c'est un prix de lecteurs et surtout de lectrices). Il faut dire aussi que j'ai déjà lu plusieurs livres d'Antoine Sénanque : La grande garde, Blouse, bref des livres qui, pour des raisons que certains connaissent, me rappellent ma jeunesse hospitalière... (haha : pas de projections si le café est sur la table, mais pardon je m'égare...).

L'éditeur en parle (peu !) : 
"La Vierge m'est apparue le 1er avril 2008. La date était mail choisie. Je sais qu'humour et spiritualité ne sont pas toujours antagonistes, mais sincèrement, j'aurais préféré le 31 mars."
Quand la Vierge Marie apparaît à Pierre Mourange, vétérinaire incroyant et morose, elle croit sans doute lui faire plaisir.
Elle aurait dû lui demander son avis.
Cocktail d'humour et d'insolence pour une subtile comédie d'Antoine Sénanque.

Ce qui m'a donné envie de le lire : 
Ce sont des billets positifs sur des blogs qui m'ont intriguée. En outre, comme je vous l'ai dit, mes lectures précédentes d'Antoine Sénanque m'avaient beaucoup plu. Il n'en fallait pas davantage pour me donner envie de lire ce roman au sujet vraiment original. 

Mon avis après lecture :
Eh bien c'est une lecture agréable mais j'avoue que j'ai préféré les deux autres romans de cet auteur que j'ai lus. Je n'ai pas vraiment compris la réaction de Pierre qui m'a un peu gênée, je l'avoue. Mais les réactions pleines d'humanité des personnages, en particulier à la fin du livre, m'ont permis finalement d'apprécier cette lecture. Et puis j'ai aimé pas mal de phrases... 

Bonheur de phrases :
"Je suis prudent avec l'intime. Je n'écris pas avec. Les mots tachent ce qu'ils disent."

"On ne dit jamais que l'on est dans la faiblesse de l'âge, l'expression n'a pas été retenue, ce qui montre que notre langage n'est pas équitable. La langue devrait servir des idées à charge et à décharge sans orienter le jugement. Félix m'a éclairé sur ce point quand j'ai voulu lui expliquer cette manipulation de la réalité par le verbe. 
-- Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu dis.
Il avait saisi l'essentiel. Le traître mot."
"Elle me parle souvent des petites cordes qui nous attachent les uns aux autres et nous ligotent subtilement. Pour elle, ce sont des enchanteurs qui les tissent."

Un moment de lecture agréable. Si j'ai le temps, je vous parlerai un jour d'un autre livre de cet auteur : Blouse !

vendredi 1 février 2013

La dernière enquête du chevalier Dupin de Fabrice Bourland

Une petite lecture de polar en passant. Je vous ai déjà dit que les polars ne sont pas forcément mes lectures favorites, mais j'ai acheté ce livre au salon des auteurs dont je vous ai parlé sur mon autre blog ICI. Pourquoi donc me direz-vous ? Eh bien.. à cause, évidemment, du bandeau : toute la vérité sur la mort de Nerval ! Un polar qui parle de littérature, comment résister ?

L'éditeur en parle : 
"Malgré les certitudes du préfet de la police parisienne et des autorités, la fin tragique de Gérard de Nerval laisse planer bien des doutes. Retrouvé pendu aux barreaux d'une grille dans la sordide rue de la Vieille-Lanterne, le poète français s'est-il suicidé dans un moment de folie ou a-t-il été assassiné ? Sollicités par un proche de la victime, le chevalier Charles Auguste Dupin et son ami américain enquêtent sur les circonstances de cette mort suspecte. Une momie égyptienne, une secte d'illuminés du XVIIIe siècle, un daguerréotype, un corbeau solitaire... Quelques indices suffiront à l'esprit acéré du célèbre détective pour les conduire sur le chemin d'une vérité étonnante, qui changera à tout jamais le cours de leur existence. Entre jeu littéraire et jeu de l'esprit, Fabrice Bourland fait revivre, en hommage à Edgar Allan Poe, la figure légendaire du chevalier Dupin"

Ce qui m'a donné envie de le lire : 
Je vous l'ai dit : la référence à la mort de Nerval et à son élucidation ! Fabrice Bourland faisait partie des auteurs invités au salon des auteurs où je me suis rendue, son roman était exposé, et voilà ! C'est tout simple ! 

Mon avis après lecture : 
Hélas... L'ouverture sur le supposé avant-propos de l'éditeur mettant en doute l'auteur et attirant le lecteur vers le "mystérieux traducteur dont la signature, à la fin de l'ouvrage, sonne comme une plaisanterie" m'avait mis la puce à l'oreille... 
Je n'aime pas les polars et ce n'est pas celui-ci qui va me réconcilier avec le genre, malgré son côté historico-littéraire... Le roman est écrit à la première personne, par monsieur Carter Randolph (personnage de Lovecraft), mais censément par Edgar Allan Poe. En effet, une note de bas de page précise les titres de "[s]es histoires -- au moins les trois premières--" : Double Assassinat dans la rue Morgue, Le Mystère de Marie Roget et La Lettre volée et le traducteur évoqué dans l'avant-propos et qui signe la dernière page est un certain "Charles Beau de l'Ers". 
C'est sans doute pour aller vers l'extraordinaire des histoires de Poe que l'histoire sort du roman policier pour aller vers l'invraisemblable, qui ne m'a guère convaincue.

Bonheur de phrases : 
Une citation d'abord : 
"Le vieux Paris n'est plus (la forme d'une ville
Change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel)" 
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, "Le Cygne"

Et ensuite, une pensée pour Zola (et La Curée...) : "jusqu'en 1855, date de notre affaire, Paris n'avait encore pratiquement pas changé. 
Par malheur, à partir de la fin des années 1850, l'empereur Napoléon III conçut pour sa ville le pharaonique projet d'en faire la capitale du XIXe siècle, et ce faisant, les urbanistes du baron Haussmann s'en donnèrent à cœur joie. Des quartiers entiers furent démolis, des rues nouvelles percées, des immeubles bâtis -- tous sur le même modèle --, des promenades plantées, des rivières asséchées, d'autres inventées, des étangs artificiels creusés, tout cela pour faire place en maints endroits à la ville nouvelle que tu connais, mais qui, pour moi, évoque une ancienne maîtresse que l'on retrouve après une longue absence, la taille avachie et les traits déformés."

Bref, je suis restée sur ma faim et je trouve que la promesse du bandeau "Toute la lumière sur la mort de Nerval" n'est pas tenue ! Mais ce n'est pas pour cela que ce petit roman (ou cette longue nouvelle) ne trouvera pas son public ! C'est ce que je souhaite à l'auteur.