mardi 28 janvier 2014

Journal d'un écrivain en pyjama de Dany Laferrière

Je vais aujourd'hui vous présenter un gigantesque coup de cœur ! Je vais d'ailleurs le partager au lycée où j'enseigne par l'intermédiaire de nos gentils documentalistes, qui proposent aux enseignants de mettre en avant leurs livres préférés parmi les parutions récentes (ou pas !). 

L'éditeur en parle en citant la quatrième de couverture : 
« Le pyjama est un étrange habit de travail », nous dit Dany Laferrière qui, après trente ans de publications, décide de parler à ses lecteurs. Suite de scènes où réflexions, récits, méditations s'entremêlent avec cette désinvolture qui caractérise son style. Voici les « conseils à un jeune écrivain » d'un auteur pour qui la vie est une aventure exaltante qui se conjugue entre lire et écrire.

De « Comment débuter une histoire » à « La description d'un paysage » en passant par « La mémoire de l'enfance », sans oublier « Le fouet de Truman Capote », l'expérience et l'humour de l'auteur du Goût des jeunes filles, qui n'en a pas moins pour les bons livres.

Ce qui m'a donné envie de le lire : 
Vous le savez, j'adore les livres dans lesquels les écrivains parlent de leur art. C'était déjà une première raison pour lire cet ouvrage. Par ailleurs, sur un forum professionnel (mais pas que !) que je fréquente avec bonheur,j'ai appris que l'auteur venait de rejoindre l'Académie française. Je ne lis pas systématiquement les ouvrages des académiciens (et loin s'en faut !), mais pour une fois, j'ai eu envie de rencontrer cet auteur. Le Journal d'un écrivain en pyjama était disponible à la médiathèque de ma ville... et voilà ! (et j'attends impatiemment qu'il paraisse en poche pour pouvoir le faire lire plus commodément à des lycéens de ma connaissance !)

Mon avis après lecture :  
Un vrai coup de cœur. J'ai adoré ce mélange de réflexions et de conseils allant "à sauts et à gambades" comme disait Montaigne. Je l'ai d'ailleurs immédiatement conseillé à une lycéenne pour qui l'écriture est un mode de vie.
Je compte à présent me tourner vers l’œuvre romanesque de l'auteur, que j'avoue ne pas connaître.

Bonheur de phrases : ah la la !!!! Je crois que j'aurais voulu tout noter... Voici quelques morceaux choisis.

"[...] la meilleure école d'écriture se fait par la lecture. C'est en lisant qu'on apprend à écrire. Les bons livres forment le goût. Nos sens sont alors bien aiguisés. On sait quand une phrase sonne juste parce qu'on en a lu souvent de bonnes. Le rythme et la musique finissent par courir dans nos veines."

" Si vous ne notez pas tout de suite cette idée que vous venez d'avoir, vous risquez de l'oublier car la mémoire est une secrétaire qui prend congé quand elle veut."

"Si vous vous sentez meilleur lecteur qu'écrivain alors pourquoi ne pas lire au lieu d'écrire ? Vous n'allez rien manquer car c'est le livre qui importe, et il est présent dans les deux situations."

"On a commencé par lire avant d'écrire. Tout lecteur n'est pas obligé d'écrire. Mais tout écrivain est d'abord un lecteur. C'est parce qu'il a tant aimé lire qu'il a voulu écrire. Et c'est d'abord pour lire qu'il écrit. On écrit le livre qu'on aimerait bien lire mais qu'on ne trouve pas."

"On me pose souvent la question : quand est-ce que t'es devenu écrivain ? On ne peut savoir ça. Je pense qu'on ne le devient pas, on naît écrivain. A mon avis ce n'est pas un métier. C'est une façon de se tenir."

"Il y a un personnage dont il faut se méfier c'est le critique. Le critique en vous. [...] Le lot de l'écrivain c'est de se coucher en génie -- il ne se relit pas le soir afin d'éviter les nuits blanches -- pour se réveiller le matin en minable gratte-papier." 

"Il y a quelqu'un que vous devez absolument convaincre de votre talent, et il se trouve dans cette pièce où vous vous croyez seul."

"La réalité est à portée de main, et c'est une usine à fictions."

"L'écriture est un dieu jaloux qui veut votre passion exclusive. Si vous trouvez votre plaisir ailleurs, vous feriez mieux d'y rester. Vous allez perdre votre temps pour rien, même si vous avez un peu de talent. Le talent n'est pas assez. Il faut le sacrifice humain."

Oh la la il y a encore tellement de phrases que j'ai notées...
Allez, si vous aimez lire des livres qui parlent de livres et d'écriture, précipitez-vous : c'est vraiment un petit bijou !

lundi 13 janvier 2014

Tyrannicide de Giulio Minghini

C'est sur le blog de Leiloona, Bricabook (CLIC), que j'ai fait la connaissance de ce petit livre.

L'éditeur en parle :  

« Pas mal , n'est-ce pas ? Cela vaut largement certaines niaiseries qu'on lit dans la NRF en tout cas. »



Il y a quinze ans que Gérard J. attendait ce courrier. Quinze ans, et enfin la sixième version du manuscrit auquel il aura consacré tous ses efforts lui vaut un billet manuscrit de Philippe Sollers. Après les lettres types d'une politesse glacée, après les rapports de lecture aussi malhonnêtes qu'impitoyables, le plus illustre éditeur de Paris a donc consenti à répondre lui-même à cet éternel candidat à la « Blanche ». Il était temps : la négligence d'un seul homme ne privait-elle pas des millions de lecteurs du plus grand roman écrit depuis un demi-siècle ? Hélas, l'injustice et la mauvaise foi sont encore au rendez-vous... La maison Gallimard ne semble toujours pas prête à faire rayonner l'astre littéraire Tyrannicide ! Consterné par l'arrogance désinvolte de son interlocuteur, Gérard J. ne se résoudra pas à ce sixième refus sans exprimer une fureur et une frustration trop longtemps contenues. L'éditeur comprend-il bien qu'il lui a volé rien moins que sa vie ? Qu'il a condamné un immense écrivain, promis à une palpitante existence parisienne, à moisir dans un lycée technique de Pau ? À rester un vieux garçon offrant le plus clair de son temps à sa mère handicapée ?... Non, bien sûr. C'est pourquoi Gérard J. se voit contraint, dans une lettre à la férocité légitime, de lui exposer ses propres idées sur la notion de crime littéraire.
Tout en jouant habilement avec les clichés qu'entretiennent « écrivains provinciaux en herbe » et « intellectuels parisiens » les uns au sujet des autres, Giulio Minghini propose, avec Tyrannicide, une désopilante partie d'échecs ; un duel entre pouvoir et talent, interprété sur une gamme d'ironie et de sarcasmes ou s'éclairent définition et destin d'une œuvre littéraire.
L'éditeur présente également l'auteur : 
À vingt-deux ans, Giulio Minghini quittait Ferrare et l'Italie pour Paris, afin de mener à terme ses études sur l'Internationale situationniste. Il y est resté. Son goût pour les objets littéraires insolites, les écrivains marginaux, les avant-gardes contrariées, lui donne une telle maîtrise linguistique et culturelle du français qu'après un premier roman italien, il écrit Fake (Allia) dans sa langue d'adoption. Coup d'essai et coup de maître : burlesques et grinçantes, les mésaventures d'un don Juan pris au piège de ses propres filets de séduction électronique rencontrent le succès critique et public. Traducteur de Crevel, Simenon, Mac Orlan, conseiller éditorial auprès des Edizioni Adelphi, lecteur drogué à la poésie et bibliophile impénitent, il publie un deuxième roman, Coupes sombres (Le Seuil), ou la rupture amoureuse, la vie onirique et la Grande Faucheuse convolent en noces shakespeariennes. L'œuvre de Giulio Minghini se place ainsi sous le signe de l'art du détournement, dans l'étonnante poupée russe des relations humaines où il sait si bien reconnaître l'éternelle comédie.

Ce qui m'a donné envie de le lire : 
Comme d'habitude, j'adore les livres qui parlent de livre, d'auteur, d'écriture... et l'article écrit par Leiloona ICI avait attisé ma curiosité ! Je n'ai pas su résister !

Mon avis après lecture : 
J'ai d'abord été déçue à sa réception par le volume de l'opuscule, vraiment tout petit !!!!! J'en aurais voulu davantage ! C'est trop vite lu (un aller ferré à la Capitale !) ! Mais c'est tellement jubilatoire !!!! Et puis.... en tout professeur de lettres sommeille un écrivaillon... peut-être pas aussi caricatural que celui-ci mais tout de même... Bref j'ai adoré ! 

Quelques phrases ça et là : 

"Croyez-vous que l'écriture de cette longue section introductive a été une partie de plaisir ? Détrompez-vous. Combien de nuits, au lieu de tenir compagnie à ma pauvre mère, clouée à son fauteuil roulant devant la télévision, ne me suis-je isolé dans mon bureau, n'ai-je fait les cent pas devant les rangs de mes livres adorés, à seule fin de changer un adjectif, effacer un adverbe, remplacer une virgule par un point. Pour rédiger trois lignes, parfois une page, le plus souvent rien du tout, ou pour achever un paragraphe destiné à la poubelle... Chercher, chercher toujours, dénicher au fond de soi l'araignée sacrée de l'écriture, la tenter avec des appâts divers, lui faire cracher ses fils, les phrases, puis les tisser patiemment..." (argh, adieu l'écriture, moi qui ne suis pas une grande fanatiques des arachnides... ;-)

"On est jamais à l'abri d'une rapine en confiant un travail de création à quelqu'un, et je sais très bien que le manuscrit, objet inerte s'il en est, peut très facilement tomber dans de "mauvaises mains"..."(haha la peur de se voir déposséder de son œuvre...)

"Le seul bonheur qui me restait, c'était la vie que je savais inventer en oubliant la mienne.Aussi, plutôt confiant, préparai-je le tapuscrit et l'adressai-je à Gallimard.[...] Encore une fois, ce fut peine perdue."

Une livre vite lu, à ne pas offrir à l'ami(e) qui collectionne les lettres de refus, à moins que la catharsis ne lui permette de se décider à envoyer ses écrits... chez un autre éditeur ! Après tout, Gallimard a bien refusé Proust, alors... rien n'est perdu ! :-D