dimanche 21 avril 2013

Confessions d'un jeune romancier d'Umberto Eco

Voici un billet qui attend dans mes brouillons depuis des jours et des jours mais tête en l'air, je l'avais oublié ! Il est plus que temps que je me réveille ! Le jeune romancier qui se confesse n'est autre qu'Umberto Eco, l'auteur du Nom de la Rose et du Pendule de Foucault. Ce livre est traduit de l'anglais par François Rosso. J'avoue que cela m'a étonnée, je pensais qu'Eco écrivait en italien, bête que je suis.

L'éditeur en parle : 
Comment un jeune écrivain doit-il s'y prendre pour s'atteler à son premier roman ? Par quel chemin de ruse passer pour séduire son lecteur ? Et quel tour de magie doit-il accomplir – s'il en a le talent – pour persuader le monde que ses fictions sont des morceaux de réalité ? Telles sont, parmi d'autres, les questions auxquelles Umberto Eco (lui-même romancier octogénaire) tente de répondre ici en rassemblant ses propres souvenirs et son expérience. Des confessions ? Des conseils pratiques ? Une liste de choses à faire (et surtout à ne pas faire) quand on débute. Ce livre est tout cela à la fois. Et, puisque l'homme qui l'a écrit fut l'auteur du Nom de la rose et du Pendule de Foucault, on peut lui faire confiance...

Umberto Eco est né à Alexandrie, dans le Piémont, en 1932. Professeur de sémiotique et directeur de l'Ecole supérieure des études littéraires à l'Université de Bologne, il est l'auteur chez Grasset de nombreux essais et de romans légendaires.

Ce qui m'a donné envie de le lire : 
J'aime beaucoup les livres qui évoquent l'écriture. J'aime beaucoup Umberto Eco. Je ne pouvais donc pas rater ce livre !

Mon avis après lecture : 
Évidemment, j'ai vraiment apprécié ce livre. J'ai aussi adoré l'humour d'Eco, plein d'auto-dérision lorsqu'il explique dès les premières lignes que le jeune romancier n'est autre que lui-même puisqu'il n'a écrit "que" six romans, dont le premier, le célébrissime Le Nom de la Rose est sorti seulement en 1980.
J'ai été passionnée par ce livre qui fera le bonheur des lecteurs avertis, ceux qui ont aimé l'Apostille au Nom de la Rose ou Lector in fabula. En effet, il ne s'agit pas d'un roman et les Confessions de ce jeune romancier fourmillent de sujets de réflexion sur la littérature (et aussi sur le web !).

Bonheur de phrases : 
"[...] un roman n'est pas qu'un phénomène linguistique. En poésie, les mots sont difficiles à traduire parce que ce qui compte est leur son, ainsi que la volontaire multiplicité de leurs sens, si bien que c'est le choix des mots qui détermine le contenu. Dans le récit, nous sommes dans la situation contraire, c'est l'univers que l'auteur a construit, ce sont les événements qui s'y produisent qui dictent le rythme, le style et même le choix des mots."

"Je reconnais qu'en employant cette technique du double codage, l'auteur établit une sorte de complicité silencieuse avec le lecteur cultivé, et que celui qui ne l'est pas, faute de capter une allusion culturelle, peut avoir le sentiment que quelque chose lui échappe. Mais je ne crois pas que la littérature ait pour seul objectif de divertir et de consoler. Elle vise aussi à inciter et inspirer à lire le même texte deux fois, et parfois plusieurs fois, car le lecteur voudra mieux le comprendre."

"La seule chose dont je suis sûr est que des gens sont émus de découvrir qu'Anna Karénine s'est suicidée, mais qu'ils sont peu (s'il en existe), à se sentir ébranlés ou chagrinés en apprenant qu'un angle droit a quatre-vingt-dix degrés." (s'il y a des chagrinés par cette nouvelle, qu'ils se dénoncent !)

"Toute affirmation concernant les vérités encyclopédiques peut, et souvent doit, être mise à l'épreuve de la légitimité empirique externe ([...]) ; alors que les affirmations sur le suicide d'Anna ne relèvent que de la légitimité textuelle interne (au sens où l'on n'a pas besoin de s'abstraire du texte pour les prouver). Sur la base de cette légitimité intérieure, nous prendrons pour un fou, ou au moins une personne mal informée, celui qui nous soutiendrait qu'Anna Karénine a épousé Pierre Bezukhov [...]."

"La forte identité des personnages de fiction est une question importante. Dans son livre, Contre-enquête sur la mort d'Emma Bovary, Philippe Doumenc nous raconte l'histoire d'une enquête de police qui finit par prouver que madame Bovary ne s'est pas empoisonnée mais a été assassinée. Or, si son roman acquiert une certaine saveur, c'est seulement parce que les lecteurs tiennent pour acquis que "dans la réalité", Emma Bovary s'est bel et bien empoisonnée.[...] pour apprécier le roman de Doumenc, le lecteur doit savoir que chez Flaubert, Madame Bovary s'est suicidée. Sinon, pourquoi écrire -- ou lire -- une telle contre-histoire ?"

Passionnant, non ? Il va falloir que j'en parle à certains lycéens de première L de ma connaissance... ;-)

Et au fait, y a-t-il parmi vous un bouleversé de l'angle droit à quatre-vingt-dix degrés ?