Je continue le challenge littéraire de Stephie Un Classique par mois... Rappelez-vous de Zola en janvier (clic). Vous pouvez aussi aller voir le blog de Stephie (CLIC) et la page du Challenge ICI. Mais ce mois-ci, j'ai choisi une œuvre particulière : la thèse de doctorat en médecine de Louis Destouches, plus connu sous le nom de Louis-Ferdinand Céline. Cette thèse, soutenue en 1924, s'intitule La Vie et L'Oeuvre de Philippe-Ignace Semmelweis. Elle a été éditée en 1936 pour le grand public sous le titre Semmelweis (et est actuellement disponible dans la collection L'Imaginaire chez Gallimard).
L'éditeur en parle (en en citant un extrait, qui figure en quatrième de couverture) :
"«Et c'est vers la fin de ces deux années passées dans la chirurgie qu'il
écrivit, avec cette pointe de hargne par laquelle se caractérise déjà
sa plume impatiente : "Tout ce qui se fait ici me paraît bien inutile,
les décès se succèdent avec simplicité. On continue à opérer, cependant,
sans chercher à savoir vraiment pourquoi tel malade succombe plutôt
qu'un autre dans des cas identiques."
Et parcourant ces lignes on peut dire que c'est fait !
Que
son panthéisme est enterré. Qu'il entre en révolte, qu'il est sur le
chemin de la lumière ! Rien désormais ne l'arrêtera plus. Il ne sait pas
encore par quel côté il va entreprendre une réforme grandiose de cette
chirurgie maudite, mais il est l'homme de cette mission, il le sent, et
le plus fort est qu'un peu plus, c'était vrai. Après un brillant
concours, il est nommé maître en chirurgie le 26 novembre 1846.»
Louis-Ferdinand Céline."
Ce qui m'a donné envie de lire ce livre :
Tout. Le côté médical, et "la médecine, cette merde" comme disait Céline dans Mort à crédit, mon passé personnel et professionnel mais aussi le personnage de Semmelweis, à l'heure des infections nosocomiales et d'une médecine qui n'est pas au mieux de sa forme...
Si vous ne connaissez pas l'histoire de Semmelweis, sachez qu'elle est poignante : en effet, Semmelweis est ce farfelu qui, pour diminuer la mortalité effrayante liée à la fièvre puerpérale, a entrepris de convaincre les obstétriciens de se laver les mains avant d'examiner les femmes enceintes ou les jeunes accouchées (quelle idée je vous assure ! Ces messieurs passaient allègrement de la dissection de cadavres au toucher vaginal sans gant et sans nettoyage ! Semmelweis a même évoqué la simple désodorisation des mains pour ne pas choquer !)... Non seulement il n'a pas été suivi (alors que par une méthode expérimentale tout à fait adaptée, il avait prouvé l'efficacité de sa technique), mais il n'a même pas été entendu, il a plutôt été ridiculisé et conspué par ses pairs... Il est mort fou, il faut dire qu'il y a de quoi. Il n'est pas facile d'avoir raison avant tout le monde.
Mon avis après lecture :
Quelle curieuse thèse ! Ce n'est pas la première que je lis (hahaha), même si mes lectures sont plutôt des thèses de la fin des années 1980. Il faut dire qu' à l'époque de Céline, les médecins avaient fait leurs humanités, avant de pouvoir faire la preuve de la leur... L'outil de sélection n'était pas les mathématiques à toute force, mais plutôt la rhétorique...
La thèse de Louis Destouches est incroyablement littéraire, elle narre une histoire, dans laquelle on retrouve à la fois une épopée médicale non dénuée de lyrisme, et une fatalité tragique inouïe. On trouve aussi l'écriture en devenir de Céline indigné de ce que l'on fait subir à ce malheureux confrère du XIXe siècle.
La thèse de Louis Destouches est incroyablement littéraire, elle narre une histoire, dans laquelle on retrouve à la fois une épopée médicale non dénuée de lyrisme, et une fatalité tragique inouïe. On trouve aussi l'écriture en devenir de Céline indigné de ce que l'on fait subir à ce malheureux confrère du XIXe siècle.
J'ai aussi lu avec intérêt les dédicaces qui ouvrent chaque thèse (pour résumer : à mes parents qui m'ont tout donné, à mes maîtres qui m'ont tout appris) et qui sont ici limitées aux membres du jury.
Bonheur de phrases :
Dans la préface de Louis Destouches à sa thèse : "L'heure trop triste vient toujours où le Bonheur, cette confiance absurde et superbe dans la vie, fait place à la Vérité dans le cœur humain."
Dans la thèse :
"Dans l'Histoire des temps, la vie n'est qu'une ivresse, la Vérité, c'est la Mort."
"Les grandes œuvres sont celles qui réveillent notre génie, les grands hommes sont ceux qui lui donnent une forme".
C'est donc un classique un peu particulier pour le challenge de ce mois-ci ! Mais cela faisait longtemps qu'il attendait dans ma bibliothèque et c'était une belle occasion !
Quelle découverte intéressante! Merci Capp! Certes je ne lis jamais de thèses en médecine, mais celle-ci me tente. Penses-tu que j'y comprendrai l'essentiel?
RépondreSupprimerOui franchement, c'est vraiment un texte littéraire, cela n'a rien d'un état de l'art austère comme peuvent l'être certaines thèses !
RépondreSupprimerBises de Capp
J'ai entendu parler pour la première (et unique) fois de Semmelweiss en philosophie (question : les découvertes scientifiques peuvent-elles survenir par hasard), mais son hiatoire m'avait frappée, je l'avoue. Je ne me souvenais pas qu'il avait hélas fini fou, mais j'étais révoltée alors qu'une mesure aussi simple, et étayée par une expérimentation solide, ait été systématiquement dénigrée par ses confrères et contemporains...
RépondreSupprimerJ'ignorais même que Céline avait soutenu une thèse en doctorat de médecine, je n'ai étudié que des extraits de son "voyage au bout de la nuit", par un prof dont il n'était pas vraiment la tasse de thé... et j'en étais restée là....
Je m'étais dit que j'allais participer au challenge, mais pour ce mois-ci, c'est encore râté...
J'essaie le mois prochain.
Bises, belle soirée.
Lorsque je vais sur des blogs anglo-saxons, je fais l'effort de les commenter en anglais.
RépondreSupprimerMerci de faire l'effort de commenter en français ici afin d'être compris par tous.
Très étonnant comme texte, non? Je ne connaissais pas cette thèse, et ce que tu en dis est vraiment intéressant.
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