mardi 6 janvier 2015

Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud

Encore un livre de la rentrée littéraire de septembre que je viens de lire alors que tout le monde évoque la rentrée littéraire de janvier ;-) 

L'éditeur en parle : 

Il est le frère de “l’Arabe” tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du xxe siècle. Soixante-dix ans après les faits, Haroun, qui depuis l’enfance a vécu dans l’ombre et le souvenir de l’absent, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l’anonymat : il redonne un nom et une histoire à Moussa, mort par hasard sur une plage trop ensoleillée.
Haroun est un vieil homme tourmenté par la frustration. Soir après soir, dans un bar d’Oran, il rumine sa solitude, sa colère contre les hommes qui ont tant besoin d’un dieu, son désarroi face à un pays qui l’a déçu. Étranger parmi les siens, il voudrait mourir enfin…

Hommage en forme de contrepoint rendu à L’Étranger d’Albert Camus, Meursault, contre-enquête joue vertigineusement des doubles et des faux-semblants pour évoquer la question de l’identité. En appliquant cette réflexion à l’Algérie contemporaine, Kamel Daoud, connu pour ses articles polémiques, choisit cette fois la littérature pour traduire la complexité des héritages qui conditionnent le présent.

Meursault, contre-enquête figure parmi les 25 romans de l'année sélectionnés par les critiques du Point.

Ce qui m'a donné envie de le lire :
Il y a des lustres, j'avais sur ma liste de bac de français L'Étranger de Camus et cette oeuvre figure toujours très régulièrement sur des listes d'oral de bac. Je ne l'ai, pour ma part, jamais étudiée avec des élèves mais l'existence de ce roman m'a fait penser que ce serait une possibilité en L dans le cadre de l'objet d'études "réécritures". J'ai donc voulu savoir si, lorsque ce roman serait paru en poche (le prix actuel des romans est prohibitif pour les lycéens, il faut en être bien conscient), il me donnerait envie de l'étudier. 

Mon avis après lecture : 
J'ai trouvé la lecture tout à fait intéressante. La langue est magnifique, ample et travaillée : c'est un bonheur de lire Kamel Daoud. En outre, pour répondre à mon interrogation précédente, il s'agit d'une véritable réécriture de L'Étranger, et à ce titre, il sera sans doute possible de travailler les deux oeuvres en première L.
Toutefois, je dois préciser, au cas où des collègues me lisent ;-), que la lecture me semble nécessiter un accompagnement car les événements qui entourent le meurtre perpétré le 5 juillet 1962 ne sont pas forcément connus des jeunes... ce qui fait que le point de vue du frère de Moussa peut ne pas être bien perçu. Par ailleurs, j'ai bien aimé cette lecture, mais j'ai vraiment regretté la confusion entre l'auteur et le narrateur de L'Étranger dans les propos d'Haroun (non, Meursault n'a rien écrit... c'est Camus le prix Nobel de littérature ! Cette confusion est très gênante pour une lecture par les lycéens...). J'ai aussi regretté l'acte d'Haroun, qui m'a finalement (et paradoxalement) semblé affadir le roman. 

Quelques phrases au fil des pages : 
"Aujourd'hui, M'ma est encore vivante." 

"Une langue se boit et se parle, et un jour elle vous possède ; alors, elle prend l'habitude de saisir les choses à votre place, elle s'empare de la bouche comme le fait le couple dans le baiser vorace."

"J'ai brièvement connu le génie de ton héros : déchirer la langue commune de tous les jours pour émerger dans l'envers du royaume, là où une langue plus bouleversante attend de raconter le monde autrement.[...] C'est le génie de ton héros : décrire le monde comme s'il mourait à tout instant, comme s'il devait choisir les mots avec l'économie de sa respiration. C'est un ascète."

"Regarde bien cette ville. On dirait une sorte d'enfer croulant et inefficace. Elle est construite en cercles. Au milieu, le noyau dur : les frontons espagnols, les murs ottomans, les immeubles bâtis par les colons, les administrations et les routes construites à l'Indépendance ; ensuite, les tours du pétrole et leur architecture de relogements en vrac ; enfin, les bidonvilles. Au-delà ? Moi j'imagine le purgatoire. Les millions de gens morts dans ce pays, pour ce pays, à cause de lui, contre lui, en essayant d'en partir ou d'y revenir."

Un joli premier roman, une lecture que j'ai appréciée mais qui, à mon sens, nécessite impérativement une relecture préalable du très beau roman de Camus, L'Étranger

2 commentaires:

  1. J'hésite... je le mets dans la liste des "peut-être", en notant qu'il vaut mieux relire "l'Etranger" avant... (mes années de lycée sont loin, hi hi...)
    Bises, belle soirée.

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